« Nous sommes un pays fort, très fort, nous disposons de capacités (militaires) dont il est difficile d’imaginer l’étendue et l’intensité. Nous avons déployé d’énormes efforts pour renforcer notre force de dissuasion. Israël saura se défendre dans toutes les situations, contre toutes les menaces, contre tout ennemi ».
E.Olmert, Premier ministre israélien, jeudi 26.02.2009
Retardée à maintes reprises par le passé, la construction par la Russie de la première centrale nucléaire iranienne à Bouchehr (Sud) est achevée. L’inauguration a eu lieu en fanfare, mercredi 25 février, en présence de Sergueï Kirienko, le chef de l’agence fédérale russe de l’énergie atomique, et de son homologue iranien, Gholamreza Aghazadeh. La Russie a d’ores et déjà livré le combustible nucléaire nécessaire au démarrage de la centrale, mais il n’a pas encore été introduit dans le réacteur. L’achèvement de Bouchehr - un projet que la Russie a repris à l’allemand Siemens en 1994 - couronne le partenariat entre Moscou et Téhéran. Outre le nucléaire civil, les deux puissances régionales bordant la mer Caspienne ont tissé des liens dans le domaine énergétique, avec la création, en octobre 2008, d’un cartel du gaz (Russie, Qatar, Iran). La coopération militaire se porte également bien. L’Iran est, avec l’Inde et la Chine, l’un des trois principaux clients de Rosoboronexport, l’agence russe en charge des ventes d’armements.(1)
Le journal Le Monde avec une rare partialité prend à témoin le monde entier pour pointer du doigt l’Iran. On lit :« Alors que l’équipe de Barack Obama n’a pas encore finalisé sa politique sur l’Iran, la fenêtre pour parvenir à une solution de l’imbroglio nucléaire semble se réduire inexorablement. L’Iran a franchi une étape significative en se dotant, selon le dernier rapport de l’Agence internationale de l’énergie atomique (Aiea) publié le 19 février, d’une quantité suffisante d’uranium faiblement enrichi pour fabriquer, s’il le souhaite, de la matière fissile pour une arme nucléaire. En septembre 2008, l’expert américain Gary Samore, aujourd’hui en charge des questions de prolifération à la Maison-Blanche, nous avait déclaré qu’une fois que l’Iran serait en possession de 1000 kg d’uranium faiblement enrichi (UFE), ses scientifiques pourraient obtenir la matière fissile en l’espace de six mois théoriquement. On en est là, puisque l’Aiea a établi que la quantité atteinte désormais est de 1010 kg. _ D’une part, des signaux américains d’ouverture au dialogue direct avec Téhéran, sans qu’on en connaisse encore la forme - Dennis Ross s’est prononcé par le passé pour des canaux secrets. D’autre part, une poussée européenne vers de nouvelles sanctions, menée par le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne. Les sanctions sont efficaces, jugent les Occidentaux, d’autant que les prix des hydrocarbures, principale source de devises de l’Iran, se sont effondrés. La probable arrivée au pouvoir en Israël d’une équipe de « faucons » accroît la crainte d’un retour de l’option militaire. Côté européen, surtout chez les responsables français, un souhait est formulé : les Etats-Unis ne devraient pas faire d’offre générale à l’Iran avant que l’élection présidentielle iranienne, prévue en juin, n’ait eu lieu. Chacun scrute en outre les chances que le « Guide suprême », Ali Khamenei, réservera au réformateur Mohammad Khatami dans cette élection. Toujours selon M.Samore conseiller de M.Obama, l’Iran, plutôt que de se précipiter vers la matière fissile, sitôt atteints les 1000 kg d’UFE, pourrait d’abord chercher à accroître le nombre de ses centrifugeuses. Téhéran a déclaré, mercredi 25 février, en avoir 6000 en activité et viser les 50.000 « d’ici à cinq ans ». Cet accroissement réduirait à un délai très court (quelques semaines ou quelques jours), le temps nécessaire pour passer à la matière fissile. Ce qui limiterait la capacité de réaction des Occidentaux, si la crise devait se produire. »(2)
Petit retour en arrière pour comprendre les arguments de Téhéran : écoutons le professeur Mojtahed : Les ailes dures américaines et israéliennes affirment toujours qu’en cherchant à acquérir la technologie nucléaire, l’Iran veut développer des armes nucléaires et ce, malgré ses énormes réserves en pétrole et en gaz. Il est important de rappeler que l’histoire du nucléaire iranien est antérieure à l’avènement de l’actuel gouvernement islamique. Ce programme a été initié dans la moitié des années soixante-dix, quand le shah a révélé des projets d’acquisition de plusieurs centrales nucléaires en France, en Allemagne et aux Etats-Unis pour produire de l’électricité. En ce temps-là, les Etats-Unis ont encouragé l’Iran à élargir sa base énergétique hors hydrocarbures. Une étude de l’Institut de recherche de Stanford a conclu que l’Iran aurait besoin, pour le début des années 1990, d’une capacité électrique d’environ 20.000 mégawatts. Le premier noyau d’ingénieurs nucléaires iraniens a été formé au Massachusetts Institute of Technology (M.I.T.). Dans cette perspective, le projet définitif de l’accord nucléaire irano-américain est signé en juillet 1978- quelques mois avant la révolution islamique. L’accord stipulait, entre autres, la fourniture par les Américains de technologie et de matériel nucléaires ainsi qu’une aide en matière de prospection de gisements uranifères. En second lieu, les besoins électriques actuels de l’Iran sont bien plus importants que ce qui a été prévu. Avec une croissance annuelle de la demande en électricité de 6 à 8%, et d’une population estimée à 100 millions d’habitants d’ici à 2025, l’Iran ne peut pas compter exclusivement sur le pétrole et le gaz. L’industrie pétrolière, vieillissante par manque d’investissements étrangers imposé par les sanctions américaines, n’a même pas pu atteindre le niveau de production, 5,5 millions de barils par jour, atteint avant la Révolution. Le niveau actuel de la production iranienne - 3,5 millions de barils par jour - correspond tout juste à la consommation intérieure, qui s’est accrue de plus de 280% depuis 1979. Si cette tendance se confirme, l’Iran sera un importateur de pétrole d’ici 2010. Le Dr El-Baradei, les rapports d’autres investigations tout au long des années 2003-2004, ont aussi blanchi l’Iran des fausses allégations.(3)
Il a donc une explication. Téhéran veut avoir un bouquet énergétique dans lequel figure le nucléaire. Voyons maintenant la position ambivalente de l’Aiea. Dans son dernier rapport du 19 février 2009, l’Aiea déclare :« L’Iran coopère bien avec les inspecteurs de l’Agence internationale de l’Energie atomique afin de ne pas à nouveau sous-estimer la quantité d’uranium qu’il a enrichie, fait savoir l’Agence internationale de l’énergie atomique. La déclaration de l’Aiea semble avoir pour but de gommer l’impression de sous-estimation délibérée qu’aurait pu laisser son rapport publié jeudi. Les Occidentaux soupçonnent l’Iran de vouloir se doter de l’arme nucléaire, mais Téhéran assure que son programme nucléaire vise seulement à produire de l’électricité. Le rapport de l’Aiea faisait apparaître une augmentation importante des quantités d’uranium faiblement enrichi déclarées par l’Iran depuis novembre. Passées à 1010 kg et une fois transformées en uranium enrichi, elles suffiraient, selon certains physiciens, pour fabriquer une bombe atomique. Ce chiffre est basé sur une quantité enregistrée en novembre dans un inventaire de l’Aiea qui s’est avéré supérieur d’un tiers aux estimations fournies par l’Iran aux inspecteurs. « L’Aiea n’a aucune raison de croire que les estimations d’uranium faiblement enrichi produit dans les installations (de Natanz) relevaient d’une erreur intentionnelle de l’Iran. Elles sont inhérentes aux premières phases de mise en service d’une telle installation alors que l’on ne sait pas à l’avance quelle sera en pratique son rendement », a déclaré Melissa Fleming, porte-parole de l’Aiea. "Aucune matière nucléaire n’aurait pu être retirée de l’installation à l’insu de l’agence car l’installation est soumise à une surveillance vidéo et les matériaux nucléaires sont maintenus sous scellés". »(4)
Il n’y a donc pas péril en la demeure ! L’Iran développe un nucléaire civil. Deux éléments essentiels viennent corroborer les affirmations de l’Iran selon lesquelles leur programme de recherche est entièrement pacifique. Le premier est le rapport des services de renseignements américains qui ont affirmé dans leur rapport sur l’évaluation de ce programme que l’Iran a cessé toute activité militaire nucléaire en 2003. Le deuxième élément est le fruit des travaux de l’Agence internationale à l’énergie Atomique [Aiea] qui n’a absolument rien trouvé pouvant corroborer la thèse israélienne. Il est à noter que l’Iran, contrairement à Israël, à l’Inde et au Pakistan, est signataire du TNP. En outre, ce pays a signé le Protocole additionnel de l’Aiea, rendant plus contraignante la vérification des matières nucléaires déclarées. Les pays signataires du TNP ont légalement le droit d’enrichir l’uranium pour alimenter leurs centrales nucléaires.
Comment comprendre alors, l’acharnement occidental ? A titre d’exemple, Pierre Lellouche, seul député français à « s’occuper » spécifiquement du dossier iranien, interpelle le ministre des Affaires étrangères à propos du rapport de l’Agence internationale de l’énergie atomique en date du 19 novembre 2008. S’ensuit une cascade d’informations scientifiques diabolisant le programme nucléaire civil iranien pressant le ministre. « Quelles initiatives comptez-vous prendre avec la communauté internationale pour essayer d’interrompre cette course vers le désastre ? » Comme réponse à l’Aiea et à cette centrale civile, la France, l’Allemagne et la Grande-Bretagne proposent de durcir les sanctions contre l’Iran et son programme nucléaire, rapporte jeudi 26/02/2009 The Financial Times. Dans un document confidentiel consulté par le quotidien de la City et le journal italien Il Riformista, les trois pays donnent la liste de 34 organisations et 10 personnes soupçonnées d’être liés à des programmes secrets de fabrication d’armes nucléaires ou biologiques, notamment des banques ou des établissements publics comme l’Agence spatiale iranienne. Pourquoi Israël qui s’acharne tant sur l’Iran et qui mobilise l’Occident contre l’Iran ne rend pas compte ? Israël a toujours refusé d’admettre qu’elle détenait l’arme atomique, exception faite du lapsus de Ehud Olmert, en décembre 2006. Est-ce vraiment un lapsus ou fait-il une campagne annonciatrice de la mise en œuvre d’une frappe nucléaire ? Déjà, dans une édition d’octobre 2003, l’hebdomadaire allemand Der Spiegel révélait qu’Israël n’exclut pas une frappe « préventive » des sites nucléaires iraniens. Sur la base d’estimations diverses, les forces armées israéliennes possèdent entre deux cents et quatre cents têtes nucléaires. Selon la revue anglaise spécialisée Jane’s Intelligence Review, leur arsenal est équivalent à 3850 bombes d’Hiroshima. Le missile nucléaire, Popeye Turbo, a été installé sur trois sous-marins Dolphin, fournis par l’Allemagne en 1999-2000. Il faut ajouter à ces vecteurs nucléaires environ 50 missiles balistiques Jéricho II sur des rampes mobiles de lancement avec une portée d’environ 1500 km emportant une charge nucléaire d’une tonne. En outre, Israël possède le Shavit, un engin qui a permis de mettre en orbite les satellites Oufek. Il est capable de frapper n’importe quel objectif au Moyen-Orient et au Maghreb. En tout cas, l’Iran prend au sérieux cela et promet, elle aussi, de riposter.(5)
Que fait l’Aiea ? On sait que la visite en Israël, le 7 juillet 2004, de son directeur, visait à encourager Tel Aviv à participer à la création d’une zone sans armes nucléaires, selon The Independent. Le quotidien britannique note cependant qu’ « El-Baradei avait annoncé ne pas avoir l’intention de blâmer Israël, si Tel-Aviv s’abstenait de confirmer ou de nier posséder l’arme nucléaire ».(6)
C’est à se demander pourquoi cette visite a eu lieu d’autant que les résultats, nuls, étaient prévisibles. Mohammad el-Baradeï a en partie imputé à Israël les difficultés rencontrées par l’organisation onusienne pour dissuader l’Iran de se doter de l’arme nucléaire. « Le régime de non-prolifération nucléaire a perdu sa légitimité aux yeux de l’opinion publique arabe en raison du régime du deux poids, deux mesures dont bénéficie Israël », écrit-il dans l’International Herald Tribune. Israël, ajoute-t-il, est le « seul État dans la région qui n’a pas signé le Traité de non-prolifération nucléaire et qui est considéré comme possédant des armes nucléaires ».
On se souvient aussi qu’un Moyen-Orient dénucléarisé a été le grand thème de l’Assemblée générale de l’Aiea en septembre 2007. Qui refuse de signer le TNP ? L’Assemblée avait adopté avec 53 voix pour, 47 abstention et deux contre, une résolution sommant Israël à adhérer rapidement au TNP. Un Israël qui a stocké, pour l’heure, plus de 300 têtes nucléaires dans ses arsenaux. Durant toutes ces décennies, le régime sioniste a développé son programme nucléaire, entouré dans un halo d’incertitude, grâce à la vaste couverture politique et financière, que lui avait étendue l’Occident. Jouant, sur l’ambiguïté nucléaire, le parti pris des chancelleries occidentales, l’administration américaine à la tête, pour occulter un arsenal nucléaire avéré, est un sérieux défi que doit relever la région.(7)
Cerise sur le gâteau : en toute impunité Israël élimine les scientifiques iraniens à en croire le quotidien Haaretz Israël, assassine des scientifiques nucléaires iraniens dans le cadre d’une guerre secrète contre le programme d’armement illicite de la République islamique. C’est ce que le Daily Telegraph a rapporté, citant des analystes des services de renseignements occidentaux. Le quotidien britannique a dit qu’il y avait des rumeurs selon lesquelles l’agence d’espionnage d’Israël, le Mossad, était derrière la mort d’Ardeshire Hassanpour, un atomiste iranien de premier plan, à l’usine d’uranium d’Ispahan, qui est mort dans des circonstances mystérieuses, apparemment « empoisonné au gaz » en 2007. Selon ces analystes, d’autres morts récentes de personnalités importantes liées au processus d’acquisition et d’enrichissement [d’uranium] en Iran et en Europe, ont été le résultat de « frappes » israéliennes, destinées à priver Téhéran de talents techniques clés à la tête de ce programme.(8)
Il faut rappeler encore une fois que le nucléaire iranien est civil. Dennis Blair, le nouveau directeur des services du renseignement américain, affirme que l’Iran ne possède pas d’armes nucléaires ni de programme militaire pour y parvenir. Il se base sur le rapport du National Intelligence Estimate (NIE), remis en novembre 2007 par les 16 agences du renseignement américain, clarifiant que l’Iran ne poursuit pas de programme de développement d’armes nucléaires. L’ancien directeur de la CIA, Micheal Hayden, a affirmé le 15 janvier 2009 qu’il n’y avait aucune preuve que l’Iran tente de construire une bombe nucléaire. Même son de cloche de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) qui surveille très étroitement le développement nucléaire de l’Iran depuis 2003 avec plusieurs inspections régulières et surveillance par caméra des installations iraniennes. Selon le dernier rapport de l’AIEA, ils ont trouvé aucune composante d’arme nucléaire ou d’études en physique nucléaire reliée à un tel programme militaire en Iran. Le directeur de l’AIEA, Mohamed ElBaradei, a déclaré aux médias que l’Iran est un signataire et se conforme aux lois et au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) et que sa centrale nucléaire est légale sous ces mêmes principes pour la production d’électricité. Selon ce Traité (TNP) dont l’Iran et les États-Unis sont signataires, l’Iran opère de façon complètement légale et les États-Unis sont même obligés de les assister ! C’est donc les États-Unis qui sont en violation de ses obligations internationales.
Assurément, cet acharnement n’augure rien de bon. Comme dans la tragédie irakienne, les Américains, les britanniques savaient qu’il n’y avait pas d’ADM et pourtant ce pays - dont l’histoire rapporte qu’il fut le berceau de la civilisation humaine- fut réduit en miette. Le monde n’est pas juste, et tant qu’il sera ainsi, toutes les haines seront nourries de cette injustice qui précipitera le monde vers l’abîme.
Pr Chems Eddine CHITOUR
Ecole Polytechnique Alger