30/01/2010
Affaire Clearstream: «Comme par hasard, le procureur fait appel...»
INTERVIEW
Le magistrat Dominique Barella estime que le procureur de la République, Jean-Claude Marin, est «totalement sous influence», et obéit aux instructions de Nicolas Sarkozy.
Dominique Barella, magistrat et ancien membre du conseil supérieur de la magistrature, revient sur le jugement rendu jeudi dans l'affaire des faux listings Clearstream. Et sur l'annonce, ce vendredi matin, par le procureur de la République, Jean-Claude Marin, de son intention de faire appel.
Comment interpréter la décision du parquet de faire appel du jugement relaxant Villepin?
C'était évidemment prévisible. Le procureur est totalement sous influence, il obéit aux ordres du ministre de la Justice, et donc du président de la République. Il n'a aucune indépendance, nous en avons la preuve encore une fois aujourd'hui.
Ce matin à la radio, le procureur Jean-Claude Marin assurait pourtant le contraire, déclarant ne pas avoir reçu d'ordre écrit de la chancellerie...
Depuis quand un procureur a besoin d'un écrit pour obéir ? S'il respectait cette règle, il aurait sauté depuis longtemps. Depuis le début de l'affaire Clearstream, Jean-Claude Marin ne s'est pas illustré par son indépendance. Il a quand même inventé une infraction complètement farfelue pour poursuivre Villepin: complicité de dénonciation calomnieuse par abstention. «Par abstention», ce terme ne rime à rien.
Pourquoi l'Elysée annonçait-il hier dans un communiqué que Nicolas Sarkozy ne faisait pas appel?
De toute façon, Nicolas Sarkozy, en tant que partie civile, ne pouvait pas faire appel du jugement de relaxe. Même un étudiant en deuxième année de droit connaît cette règle: la partie civile ne peut faire appel au pénal que sur les intérêts civils. Or, Villepin a été relaxé, il n'a rien à payer.
Est-ce une erreur? Ou bien une manœuvre politique?
Je ne crois pas une seconde que Sarkozy, avocat de profession et entouré d'une armada de conseillers juridiques, ait pu commettre une pareille erreur de droit. D'évidence, Nicolas Sarkozy, à la fois partie civile et le président, joue sur les deux tableaux.
La manœuvre est tellement grosse... Il annonce hier qu'il ne fera pas appel — alors qu'il ne peut pas faire appel, j'insiste — pour laisser penser qu'il n'y a pas d'acharnement. Et comme par hasard, 24 heures après, le procureur fait appel. Si Jean-Claude Marin était indépendant, pourquoi ne pas avoir fait appel tout de suite après le jugement ? C'est une manipulation politique, cela ne fait aucun doute. Nicolas Sarkozy instrumentalise la justice pour régler des problèmes personnels. C'est gravissime et vraiment inquiétant pour les justiciables.
Que voulez-vous dire?
Nicolas Sarkozy prépare une réforme pour supprimer l'instruction. Demain, il n'y a aura donc plus de juge d'instruction, suffisamment indépendant pour instruire l'enquête. C'est le parquet, totalement aux ordres de l'Elysée, qui s'en chargera... Il faut que les Français comprennent ce que cela signifie : aujourd'hui, c'est un homme politique connu qui est victime d'acharnement, mais demain, à qui le tour? C'est une triste journée pour la justice. Sarkozy vient de signer la fin de la séparation des pouvoirs, il a tué Montesquieu.
Dernière question: avec l'appel du parquet, que risque désormais Villepin ?
On recommence le procès, l'affaire va donc être rejugée. Comme si la justice n'avait que ça à faire...
Source: Libération
17:09 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : clearstream, manipulation, procès politique | Facebook | |
22/10/2009
Procès Clearstream: "Dominique de Villepin est innocent"
La défense de Villepin s'est attachée, ce mercredi, à démontrer qu'il n'y avait aucun élément matériel contre l'ex-Premier ministre dans le dossier Clearstream et que la "complicité de dénonciation calomnieuse par abstention" requise par le parquet ne tenait pas la route.
"C'est le coeur lourd" que Me Metzner, l'un des quatre avocats de Dominique de Villepin, a plaidé dans la 11e chambre du tribunal correctionnel de Paris, ce mercredi après-midi. "On veut nous faire croire que c'est un procès comme les autres, mais toutes les parties civiles sont-elles Nicolas Sarkozy? Sont-elles l'homme qui nomme les magistrats qui ont jugé et les procureurs qui ont requis?" Tourné vers Me Thierry Herzog, l'avocat du président de la République, Me Metzner a fait, avec brio, une plaidoirie à la tonalité très politique.
REUTERS/Gonzalo Fuentes
"Pendant son intervention, Me Thierry Herzog a parlé de Dominique de Villepin mais pas d'Imad Lahoud ni de Jean-Louis Gergorin", a explique Me Metzner.
"Voilà ce qu'est ce dossier: on a une cible, on en déduit une origine et on essaye de tracer une ligne entre les deux", a affirmé Me Metzner pour qui "la rivalité politique n'est pas un élément constitutif d'infraction pénale". "Si je (Me Metzner s'identifie alors à son client Dominique de Villepin, ndlr) l'avais commis", ce délit de complicité par abstention, "je ne serais pas le seul: il y aurait aussi Michèle Alliot-Marie (alors ministre de la Défense, ndlr), (son directeur de cabinet) Philippe Marland, le général Rondot -car s'il y en a un qui en sait plus que moi, c'est bien lui-, la DST et même Bercy". Or, poursuit-il, "qui est ministre de l'Economie alors? Nicolas Sarkozy. Et pourtant il ne dit rien jusqu'en 2006". "Mme Alliot-Marie s'est abstenue. Nicolas Sarkozy s'est abstenu", a dit l'avocat, avant de poursuivre: "Bien sûr, ils ne sont pas poursuivis et c'est normal car il n'y a pas d'infraction pénale qui leur soit reprochable". Il n'y a donc, selon son avocat, aucune raison d'accabler Dominique de Villepin de "complicité de dénonciation calomnieuse par abstention".
"Il a eu besoin de quatre heures pour convaincre personne même pas lui!"
Puis Me Metzner, vieux routier des tribunaux, s'est attelé à démonter la plaidoirie très technique de Me Herzog, jusqu'à tourner l'avocat en ridicule. "Pendant son intervention, Me Thierry Herzog a parlé de Dominique de Villepin mais pas d'Imad Lahoud ni de Jean-Louis Gergorin", a-t-il dit avant de préciser: "Il a eu besoin de quatre heures pour convaincre personne même pas lui!" Sous cette pluie de critiques, Me Herzog a feint de dormir. "Je n'ai pas bien entendu la plaidoirie de Me Metzner", dira-t-il à la presse à la fin de l'audience.
Ce dossier, "le scandale du siècle" commente Me Metzner, est victime d'une "paranoïa aiguë". "Il n'y a aucun élément matériel" à l'encontre de mon client, a-t-il répété. Quant à "l'arme du crime, les listings, poursuit-il, comment savoir qu'ils sont juridiquement faux puisqu'il n'y a ni entête, ni signature, ni date..." Rires dans le prétoire. "Si la culpabilité de Dominique de Villepin était si évidente, pourquoi vouloir le 'pulvériser' et le 'pendre à un crochet', a-t-il demandé au tribunal, si ce n'est pour créer un mobile qui n'existe pas".
"Nicolas Sarkozy...euh...Dominique de Villepin est innocent"
Privilège de l'expérience, Me Leclerc, autre avocat de l'ancien Premier ministre, qui succède à Me Metzner, est le seul à s'exprimer sans micro. "Mes prédécesseurs ont déjà dit ce que j'avais dans le coeur et la tête", a-t-il dit, ému de plaider dans cette salle qu'il affectionne depuis 50 ans. "Nicolas Sarkozy...euh...Dominique de Villepin est innocent", a scandé l'avocat qui avait annoncé dès le début de sa plaidoirie qu'il était sujet aux lapsus. "La vérité, c'est que non seulement il n'a rien fait mais qu'il n'y avait rien à faire", a-t-il ajouté. Avant de rappeler au procureur, lui qui le connaît si bien, qu'il avait requis une relaxe avant de se raviser en décembre. Sous-entendant, donc, que Jean-Claude Marin s'est soumis à sa hiérarchie pour écrire ses réquisitions...
Les quatre avocats ont demandé la relaxe de Dominique de Villepin, à l'exception de Me Leclerc qui, victime d'un autre lapsus, a demandé l'acquittement de son client.
Source: l'Express
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26/09/2009
Villepin déjà « coupable » pour Sarkozy : « C'est volontaire »
La présomption d'innocence, Nicolas Sarkozy s'en moque lorsqu'il s'agit de Dominique de Villepin. Ce qui lui vaudra d'être attaqué par ce dernier à l'issue de son mandat. Interrogé par TF1 et France 2 mercredi soir sur le procès Clearstream, le Président a en effet oublié son rôle de « garant de l'indépendance de la justice » et lâché :
« Après deux ans d'enquête, deux juges indépendants ont décidé que les coupables devaient être traduits devant le tribunal correctionnel. »
Ni Laurence Ferrari, ni David Pujadas ne relèvent. Le chef de l'Etat assure qu'il ne renoncera pas à sa plainte, comme l'ont réclamé les avocats de Dominique de Villepin : « Je ne suis pas un homme qui renonce et qui plaisante avec les principes d'honneur et de probité. » Et après un sourire : « Que la justice fasse son travail sereinement, elle est en train de le faire. » (Voir la vidéo)
Ce « lapsus » a immédiatement fait bondir les avocats de Dominique de Villepin qui ont annoncé une plainte contre le chef de l'Etat pour « atteinte à la présomption d'innocence ».
Une assignation civile très symbolique
Contacté par Rue89, Henri Leclerc, avocat de l'ex-Premier ministre, a confirmé qu'une assignation civile contre le Président serait officiellement déposée devant le tribunal de grande instance de Paris.
Le chef de l'Etat bénéficiant d'une immunité, l'assignation ne pourra être examinée qu'à l'issue de son mandat à la présidence. Il apparaît évident qu'elle a plus valeur de symbole au moment précis où la défense de Dominique de Villepin accuse Nicolas Sarkozy d'être juge et partie.
Pour Henri Leclerc, le lapsus de Sarkozy ajoute à la pression déjà exercée sur la Justice par la constitution de partie civile de Nicolas Sarkozy :
« Je pense que c'est volontaire. Le président de la République ne parle pas pour ne rien dire. Il s'agissait d'un entretien, depuis l'ONU, d'une déclaration solennelle.
C'est une intervention publique du Président, sur une procédure en cours dans laquelle il est est partie civile, qualifiant Dominique de Villepin de coupable ! Et le tout depuis l'ONU !
Ce n'est pas un ordinaire ! Et ça peut presque se passer de commentaires tant ce n'est pas ordinaire ! »
Mercredi, en plein procès, Olivier Metzner, avocat de Dominique de Villepin, s'est également scandalisé :
« C'est cela le respect de votre tribunal ? De votre parquet ? C'est cela qu'un président de la République donne comme spectacle à la France de la Justice ? La présomption d'innocence est un droit fondamental.
Et le président de la République la bafoue en direct devant des millions de Français ! On a déjà voulu pendre Dominique de Villepin à un “croc de boucher”. Maintenant, on le dit déjà coupable ! »
Source: Rue89
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