L'éthique en politique est une exigence de chaque instant. L'Europe n'y échappe pas. Le résultat de l'extrême droite et de certains populismes dans plusieurs pays européens ne dit rien d'autre. La crise démocratique s'accentue et nous risquons d'échouer à redonner espoir à des millions de femmes et d'hommes.
Ceux qui prétendent que l'on peut faire comme si de rien n'était ne comprennent rien à la période. Le discrédit de la classe politique ouvre la porte à toutes les aventures. Le cocktail composé par le maintien au niveau du continent d'une politique d'austérité et le délitement du lien de confiance entre le peuple et ses politiques est explosif.
La connivence entre lobbys –notamment énergétique- et une partie de la classe politique est de plus en plus évident et insupportable. Cela fait prospérer ceux qui jouent du triptyque souffrance sociale – dénonciation des élites – repli antieuropéen.
UN COUP DE SEMONCE
C'est dans ce contexte que la proposition de nommer Monsieur Miguel Arias Cañete au poste de Commissaire en charge du climat et de l'énergie sonne comme un coup de semonce. La lettre des traités européens est pourtant claire : « Les membres de la Commission sont choisis en raison de leurs compétences générales, de leur engagement européen et parmi des personnalités offrant toutes les garanties d'indépendance ».
Mais que reproche-t-on à cet ancien ministre et poids lourd de la droite espagnole ? Au-delà de propos sexistes inacceptables et de sa participation à l'un des gouvernements européens les plus hostiles aux énergies renouvelables, la candidature de M. Cañete soulève de possibles et très sérieux conflits d'intérêts.
Au cœur des soupçons, les liens entretenus, entre autres, avec deux compagnies pétrolières qu'il a lui-même fondé, Petrolifera Ducar et Petrologis Canarias. L'ambition écologiste de la Commission Juncker était déjà bien faible, c'est aujourd'hui sa probité qui est remise en cause.
MONTAGES FISCAUX ET SOCIÉTÉ ÉCRAN
En effet, bien que M. Cañete, et semble-t-il, son épouse et son fils aient revendu le 18 septembre dernier leurs parts personnelles, les soupçons se renforcent. Ni plus ni moins que deux de ses beau-frères contrôlent ces compagnies.
Il existe de plus des soupçons de dissimulation d'intérêts personnels et de famille, via des montages fiscaux, vers une société écran (Havorad BV) basée aux Pays-Bas. À travers cette entreprise écran, la famille proche de M. Cañete possède également un tiers de la filiale panaméenne de CEPSA, géant pétrolier espagnol!
A ce stade, si rien ne confirme le caractère illégal de ses activités, les questions s'accumulent. Quels revenus tire sa famille de ces participations ? Pourquoi avoir fait appel à de tels montages opaques ? A qui M. Cañete a-t-il revendu ses parts ?
Y-a-t-il eu volonté de frauder le fisc espagnol? Et enfin, est-il possible qu'une personne étroitement liée au secteur pétrolier et sensé mener à bien la lutte au nom de l'Union Européenne contre le changement climatique puisse offrir « toutes les garanties d'indépendance » alors que la charte de « bonne conduite » des commissaires vise explicitement les « intérêts familiaux » dans les conflits d'intérêts ?
Ces questions, parmi de nombreuses autres, sont légitimes et doivent trouver réponse. Aucun accord politique entre conservateurs européens (PPE) et socialistes européens (S&D) ne peut justifier la protection de Monsieur Cañete.
Rien ne justifie que Monsieur Juncker et la droite européenne maintiennent leur soutien inconditionnel à cet homme. Rien, pas même ce que ce dernier a pu leur jurer, les yeux dans les yeux. L'Europe n'a nul besoin d'un nouveau Jérôme Cahuzac !