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06/07/2009

L'armée algérienne mise en cause pour la mort de moines français

De nouvelles dépositions font penser que sept moines français assassinés en Algérie en 1996 ont été victimes non pas des islamistes mais d'une "bavure" de l'armée algérienne, a-t-on appris lundi de source judiciaire.

Comme l'ont révélé le Figaro et Mediapart, un général à la retraite, François Buchwalter, a déclaré le 25 juin dernier au juge d'instruction antiterroriste Marc Trévidic que, selon ses informations, les moines avaient été tués par erreur lors d'un raid aérien de l'armée algérienne sur un bivouac.

Attaché de défense en Algérie à l'époque, entre 1995 et 1998, le militaire dit avoir obtenu ces informations à l'époque d'un gradé algérien et en avoir informé le ministère de la Défense et l'ambassade. Rien n'avait jamais filtré jusqu'ici. Le gouvernement était à l'époque dirigé par Alain Juppé.

La procédure, ouverte en 2004, pourrait relancer la polémique entre Alger et Paris sur cette affaire jamais élucidée. Alger a imputé officiellement le crime à la guérilla islamiste.

Une demande de levée du secret défense en France et les auditions de responsables du gouvernement de l'époque vont être sollicitées par les parties civiles, a dit à Reuters leur avocat, Me Patrick Baudoin.

L'ex-Premier ministre UMP Jean-Pierre Raffarin a qualifié la nouvelle version des faits de "très troublante" lundi sur LCI.

"Je pense qu'il faut lever le secret défense, il faut qu'on connaisse vraiment ce qui s'est passé. C'est une affaire très douloureuse, c'est une cicatrice que nous gardons tous au coeur", a-t-il dit.

AUTRES SOUPÇONS SUR LES ALGÉRIENS

Les sept moines français avaient été enlevés dans la nuit du 26 au 27 mars 1996 dans leur monastère de Tibéhirine situé près de Médéa, à 100 km d'Alger, dans les montagnes de l'Atlas.

Leur mort avait été annoncée par un communiqué du Groupe islamique armé (GIA) le 21 mai. Le 31 mai, les médias algériens avaient fait état de la découverte de corps.

Une autre déposition recueillie par le juge Marc Trévidic accrédite l'idée d'une dissimulation post-mortem.

Le père Armand Veilleux, qui était le "procureur général" de l'ordre cistercien, a en effet déclaré au magistrat que, lorsqu'il est venu à Alger après la mort des moines, il avait dû insister auprès de l'ambassade de France pour faire ouvrir les cercueils plombés où avaient été placés leurs restes.

Ce n'est qu'alors qu'il s'est rendu compte qu'il n'en restait que les têtes. Il pense qu'il s'agissait de dissimuler leurs blessures car, selon la déposition de François Buchwalter, les moines ont été victimes d'armes lourdes embarquées sur des hélicoptères ayant détruit en mai 1996 un bivouac du Groupe islamique armé où ils se trouvaient.

"Ils ont tiré sur le bivouac (...) Une fois posés, ils ont découvert qu'ils avaient notamment tiré sur les moines. Les corps des moines étaient criblés de balles", dit-il selon les extraits de sa déposition repris par Le Figaro et Mediapart.

L'instruction pourrait aussi tenter d'éclaircir un autre élément trouble de cette affaire, à savoir l'identité des auteurs de l'enlèvement des moines.

Il est jusqu'ici attribué aux islamistes, mais des témoignages d'anciens militaires algériens se succèdent dans la presse pour affirmer que l'armée algérienne aurait utilisé des "faux" islamistes qu'elle manipulait pour cet enlèvement.

Il s'agissait selon cette thèse de punir ou d'envoyer un avertissement aux moines, à qui il était reproché d'accueillir dans leur monastère des maquisards islamistes blessés.

"Sur les circonstances de la mort, nous avons désormais une version très crédible et convaincante, il faut poursuivre certaines investigations et auditions", a dit Me Baudoin.

"Il subsiste d'autres questions : qui a enlevé les moines, où ont-ils été détenus ? Tout cela conforte ce que nous soutenons depuis le départ, la version officielle n'est en aucun cas crédible, on nous dissimule des choses et ça nous conforte dans notre recherche de vérité", a-t-il ajouté.

Thierry Lévêque, édité par Yves Clarisse

Source: Reuters