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11/10/2015

Une solution à la crise de l'euro: la double monnaie

Par Harold James, professeur d'histoire et d'affaires internationales à Princeton (article daté du 04/11/2011)

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La meilleure façon de vaincre la spéculation contre la zone euro, aujourd'hui, serait le maintien de la monnaie européenne, assorti de la possibilité pour chaque État de recréer leur monnaie nationale. Cette dualité monétaire, qui a déjà existé au XIXème siècle, permettrait à des pays comme la Grèce de regagner en compétitivité.

Les alternatives à la monnaie européenne, l'euro, se limitent de plus en plus au choix entre une tentative désespérée pour sortir de la crise et un effondrement chaotique. Pourtant il existe une approche plus audacieuse et plus efficace fondée sur la coexistence de plusieurs monnaies - un système qui s'est révélé efficace dans le passé.

Les Européens devraient examiner les solutions innovantes issues des crises dans le passé. La crise du Système monétaire européen (SME) entre septembre 1992 et juillet 1993 semblait menacer l'intégration européenne. Elle a mis en danger la Grande-Bretagne, l'Espagne, le Portugal et, enfin, en juillet 1993, la France. Tout comme aujourd'hui, l'avenir de l'Europe était menacé.

Initialement, la solution adoptée à l'issue d'une nuit de négociations frénétiques à Bruxelles paraissait contre-productive. L'élargissement brutal à 15% de la marge de fluctuation des monnaies européennes de part et d'autre d'une valeur pivot semblait rejeter aux calendes grecques l'adoption d'une monnaie unique. Mais cela a permis de déjouer les attaques spéculatives contre les devises les plus vulnérables, supprimant ainsi la cause fondamentale de l'instabilité. L'équivalent actuel de l'élargissement de la marge de fluctuation serait le maintien dans la zone euro de tous les pays membres, tout en autorisant ceux qui le jugeraient nécessaire à émettre une monnaie nationale. Ceux qui feraient ce choix verraient sans doute leur nouvelle devise se négocier à un taux très faible. Le succès des mesures de stabilisation se traduirait alors dans le taux de change de la nouvelle monnaie. Elle s'appréciera si elle permet de revenir à la stabilité budgétaire et de relancer la croissance. De la même manière, après 1993, le franc est tombé en dessous de la marge de fluctuation fixée, mais il y est revenu grâce à une politique judicieuse.

Cette approche présente un avantage important : elle n'exige pas une redénomination des actifs et des passifs bancaires. Elle évite donc les multiples problèmes juridiques liés à une solution plus radicale. Il est possible que les deux monnaies ne convergent pas et soient amenées à coexister durant une longue période. Ce n'est pas une idée nouvelle. Lors des discussions sur l'union monétaire au début des années 1990, on avait envisagé que la monnaie commune ne soit pas une monnaie unique. Il y a vingt ans, cette éventualité ne constituait pas une construction théorique limitée à des discussions marginales. C'était une véritable alternative historique.

Aussi surprenant que cela peut être, deux monnaies différentes ont déjà coexisté sans problème durant une longue période. Avant que l'étalon or ne soit adopté dans les années 1870, l'Europe a eu deux types de monnaie, l'une reposant sur l'or et l'autre sur l'argent. Ce régime a connu un grand succès, notamment parce que chaque type de monnaie était utilisé dans un contexte donné. Les pièces d'or de valeur élevée servaient de référence lors de transactions importantes et au niveau international. Les pièces d'argent de moindre valeur servaient aux transactions quotidiennes, ainsi que pour régler les petits salaires et les locations. Shakespeare qualifiait l'argent de "pâle et vulgaire intermédiaire - entre l'homme et l'homme".

Dans ce système, une dépréciation de l'argent par rapport à l'or se traduirait par une diminution des salaires réels et améliorerait la compétitivité. Ainsi les premiers travailleurs de l'industrie textile moderne en Italie ont-ils vu leur salaire en argent diminuer, tandis que les produits qu'ils fabriquaient étaient facturés en or sur le marché international des produits de luxe. C'est l'une des raisons pour lesquelles Milton Friedman considérait le bimétallisme intrinsèquement plus stable que le monométallisme (basé sur l'or). L'équivalent actuel du mécanisme d'ajustement monétaire de l'époque du bimétallisme consisterait, par exemple, en une baisse des salaires grecs qui seraient payés dans la monnaie nationale de faible valeur par rapport à l'euro. Ce serait l'équivalent de la monnaie en argent. L'euro jouerait le rôle de l'étalon or. Sa stabilité serait assurée par les institutions existantes, la Banque centrale européenne et celles des banques centrales nationales qui n'auraient d'autre alternative. En ce sens, le cours de la zone euro serait l'équivalent de la Grande-Bretagne du XVIIIe et du début du XIXe siècle qui ne connaissait que le régime de l'étalon or.

Offrir la possibilité d'utiliser deux monnaies, l'une à usage interne et l'autre à usage externe, paraît étrange et contre-intuitif. Mais c'est réalisable et cela a déjà été fait. Cela peut être un moyen remarquablement efficace pour répondre à l'exigence de stabilité.

La Tribune (et Project Syndicate) 

 

 

Commentaires

- Michel PINTON. Vive le Franc! Une monnaie qui a de l'avenir. François-Xavier de GUIBERT, 2000.
- Jean-Pierre MOUSSY. Le roman de l'Euro. Hachette, 1998.

Écrit par : Coriolan | 11/10/2015

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