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25/09/2015

Syrie / Assad: le quai d'Orsay, plus atlantiste que la Maison Blanche ? (Revue Conflits)

Le retour de Bachar el-Assad dans l’équation américaine place une nouvelle fois la diplomatie française dans une situation invraisemblable. Malgré le démenti de Jennifer Psaki, John Brennan, le patron de la CIA, puis le secrétaire d’État John Kerry ont tous deux appelé à réintégrer le régime de Damas, y compris son chef, dans le règlement politique de la question syrienne. Une évidence puisque cinq ans après le début de la guerre civile, les troupes de Bachar contrôlent plus de la moitié de la population et qu’une bonne partie du reste est aux mains de l’État islamique.

« Il est clair pour nous que Bachar el-Assad ne peut s’inscrire dans un tel cadre » a aussitôt réagi Romain Nadal, le porte-parole du Quai. Depuis 2011, la position française est crispée sur le départ préalable du dirigeant d’origine alaouite. Comme sur le dossier iranien, le raidissement du Quai d’Orsay se poursuit.

Après les années Chirac-Villepin et le virage atlantiste du quinquennat Sarkozy qui suivit, on pouvait attendre du PS un retour aux fondamentaux. La gauche avait, pendant cinq ans, dénoncé cette rupture provoquée par le couple Sarkozy-Kouchner.

Dès 2007, Henri Emmanuelli avait titré un de ses articles : « L’alignement, nouvel axe de la politique étrangère française ». Pierre Moscovici avait dénoncé « une politique étrangère néo-bonapartiste et néo-conservatrice ». En 2008, François Hollande avait déposé une motion de censure contre le retour de la France dans le comité militaire intégré de l’OTAN. Pour Martine Aubry, « rien [en 2009] ne justifie que nous allions derrière les États-Unis, reniant notre liberté et nous alignant derrière ses propositions ». Laurent Fabius lui-même avait mis en garde : « Nous sommes un pont entre Est et Ouest, Sud et Nord. Ce pont-là va être brisé. »

Sur les dossiers du Moyen-Orient, l’alternance de 2012 n’a pas eu lieu. Bien au contraire.

Si aujourd’hui la France semble renouer avec une forme de non-alignement, « allié, pas aligné » comme le veut la formule, c’est à rebours de ce qui a fait l’originalité de la diplomatie française depuis le général de Gaulle. La France d’aujourd’hui est plus belliqueuse que jamais. Plus que l’Amérique. Comme jadis George W. Bush rêvait de faire renaître des cendres de Saddam un nouveau Moyen-Orient, la France veut faire table rase du passé syrien. De sorte que la France semble plus atlantiste que l’administration Obama elle-même. « Mais de toutes les manières, la France est un pays indépendant et notre politique extérieure par rapport au drame épouvantable qui se passe en Syrie n’a pas changé » a lancé, bravache, Laurent Fabius. Le chef de la diplomatie française croit sans doute faire entendre une voix singulière. En réalité, il s’aligne sur les positions des faucons du parti républicain et du camp démocrate. Sur les dossiers syrien et iranien, François Hollande est au diapason de John McCain. En même temps, il se rend en Arabie saoudite où il obtient de fabuleux contrats. Mais il se garde de demander des précisions sur les liens ambigus qui unissent Ryad et Daesh.

D’ailleurs Paris s’obstine à ne pas bombarder Daesh en Syrie. L’exécutif a tancé les députés de droite et de gauche qui se sont rendus à Damas pour rendre compte de la situation. « Toute autre solution qui remettrait en selle Bachar el-Assad serait un cadeau absolument scandaleux, gigantesque aux terroristes de Daesh » a osé lancer Laurent Fabius à son homologue américain. Mais qui peut croire que Daesh et Bachar sont complices alors qu’ils s’affrontent dans une bataille sans merci dans les faubourgs de Deir Ez-Zor ? Qui bombarde les Kurdes au chlore ces dernières semaines ?

François Hollande et Laurent Fabius, plus molletistes que mitterrandiens, avec leur guerre anti-Bachar par procuration, ont placé la France dans une posture ultra-atlantiste au côté de la Grande-Bretagne. Au point de gêner Washington…

Hadrien Desuin

Revue Conflits

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