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24/05/2015

Collège : une réforme qui fait presque l'unanimité contre elle (Hérodote.net)

À la différence de leurs homologues britanniques, les partis français évitent les débats sur la pertinence de la monnaie unique, les orientations de la construction européenne, la prévalence du néolibéralisme financier ou encore l'immigration.

Le gouvernement et l'opposition partagent les mêmes choix (ou plutôt non-choix) sur ces questions de fond mais trouvent encore l'occasion de s'affronter sur des questions sociétales. Après le « mariage pour tous », voici donc la réforme du collège et l'Histoire...

Herodote.net, principal média d'Histoire sur internet, ne pouvait rester à l'écart de ces débats qui ont jeté dans la rue les enseignants le 19 mai et conduit d'éminents intellectuels de gauche à rallier leurs homologues de droite dans la dénonciation des projets gouvernementaux.

Nous avons essayé d'en cerner les contours et les enjeux.

Soulignons d'abord que nous avons affaire à deux débats simultanés mais tout à fait distincts qui traversent la gauche et la droite : une réforme de l'enseignement au collège et une réécriture des programmes d'Histoire au collège. Nous les traiterons donc séparément.

Quid de la « réforme » du collège ?

Chacun en France fait le constat d'une crise majeure de l'Éducation nationale avec aujourd'hui un quart des enfants qui, à l'issue du collège, ne maîtrisent pas plus la langue française que le calcul, matières essentielles à la socialisation et la professionnalisation.

Cette crise s'amplifie depuis deux décennies, en lien avec l'immigration mais aussi avec un système éducatif qui a renoncé aux deux objectifs de toute démocratie qui se respecte : tirer vers le haut les enfants les plus doués ; assurer à tous les autres des bases solides qui leur permettent de s'intégrer dans la vie active et leur laisse la faculté de progresser ensuite par leurs propres moyens s'ils le souhaitent.

Si les classes dirigeantes, indépendamment de leurs options politiques, acceptent cet état de fait, c'est qu'elles y trouvent leur compte car leurs propres enfants bénéficient d'une voie royale vers les formations les plus qualifiantes (X, ENS, écoles d'ingénieurs), sans avoir à souffrir de la concurrence des enfants plus intelligents issus des classes populaires et bien sûr des populations immigrées.

Si les syndicats d'enseignants sont vent debout contre toute velléité de réforme, c'est qu'ils veulent conserver leur mainmise sur la gestion de carrière des enseignants, une ineptie sans équivalent ailleurs qui déresponsabilise les chefs d'établissement. Imagine-t-on une entreprise dont le patron se verrait imposer par l'extérieur ses subordonnés et ses collaborateurs ?... Au contraire de la France, les pays dont on vante la qualité éducative, à commencer par la Finlande, ont pour caractéristique de laisser aux chefs d'établissement le libre choix de leur équipe enseignante.

Tout acquis syndical devient très vite irréversible. C'est l'« effet cliquet ». Difficile de progresser dans ces conditions. On l'a vu avec la suppression par le président Sarkozy d'une demi-journée hebdomadaire et l'instauration de la semaine de quatre jours dans les écoles. Quand le président Hollande a voulu revenir sur cette disposition quelque peu démagogique, il n'a pas osé reprendre aux enseignants cette demi-journée de repos supplémentaire et il a donc demandé aux maires de l'occuper en mettant en place à leurs frais des activités périscolaires avec des vacataires ou des employés communaux !

Avec des moyens financiers à la baisse qui suivent les injonctions des comptables de Bruxelles et Francfort, le gouvernement en est réduit à bricoler des réformettes.

C'est le cas aujourd'hui, dans les collèges, avec :
- la suppression des « classe bi-langues », destinées à accueillir les élèves assez doués pour apprendre deux langues étrangères dès la 6e,
- la suppression des enseignements du latin et du grec
- et surtout l'introduction d'« enseignements pratiques interdisciplinaires » laissés à la discrétion des chefs d'établissement, dont la première conséquence sera de réduire un peu plus les horaires réservés aux enseignements fondamentaux (français, mathématiques, sciences, histoire-géographie, anglais...).

Le gouvernement a de la sorte réalisé l'exploit de liguer contre lui à la fois l'extrême gauche, les syndicats d'enseignants et l'opposition de droite. En effet :
- d'un côté, il supprime les classes « bi-langues » et restreint l'enseignement des langues anciennes au nom de l'« égalitarisme »,
- de l'autre, il donne aux responsables d'établissement un brin d'autonomie avec la libre gestion d'un cinquième des horaires, au risque de creuser le fossé entre collèges des beaux quartiers et collèges des quartiers ethniques, les premiers privilégiant les enseignements d'éveil, les seconds s'en tenant à des formations de rattrapage.

Joseph Savès
 

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