27/04/2015
Et si les Grecs préparaient leur sortie de l'Euro avec l'aide de... Poutine ? (article du 3 avril 2015)
FIGAROVOX/ENTRETIEN - Le 9 avril, l'État grec devra débourser 458 millions d'euros au FMI. Le 8 avril Alexis Tsipras rencontrera Vladimir Poutine. Coralie Delaume y voit le début d'un bouleversement économique et géopolitique majeur.
A la date cruciale du 9 avril, l'État grec devra débourser 458 millions d'euros au FMI. Le 8 avril Alexis Tsipras rencontre Vladimir Poutine, hasard ou coïncidence?
Si la Grèce est tentée, faute d'alliés en Europe, de se tourner vers la Chine, elle doit l'être d'autant plus de jouer la carte russe. Car les liens entre les deux pays sont anciens, chose qu'a récemment rappelée Alexis Tsipras. Interrogé par la presse russe et faisant référence au nazisme, il a affirmé «qu'un rapprochement entre les deux pays (...) trouve ses racines dans les relations fraternelles que (les) deux peuples ont fondées, parce qu'ils ont mené un combat commun, à un moment critique de l'histoire».
Donc les relations s'intensifient. Cette semaine par exemple, le ministre de l'énergie grec Panagiotis Lafazanis était à Moscou. Le but était de discuter avec les Russes de la question gazière, notamment du tracé du futur pipeline «Turkish stream». On se souvient qu'entre autres âneries lourdes de conséquences, «les Européens» se sont crus malins en infligeant des sanctions à la Russie au sujet l'Ukraine. A titre de représailles, Poutine a annulé le projet de gazoduc South stream, puis s'est rapproché de la Turquie pour mettre en route un projet alternatif, Turkish stream. Nécessairement, ne serait-ce que pour des raisons géographiques, la Grèce sera de la partie.
Ce Grexit se doublerait donc d'un rapprochement avec la Russie. Quelles pourraient être les conséquences sur le plan géopolitique pour l'Europe?
Les conséquences géopolitiques: voilà bien une chose à laquelle personne ne s'intéresse! Tout le monde semble convaincu que la géopolitique - voire la politique tout court - est un résidu du XIX° siècle, et que nous serions désormais à l'ère de l'économie et de comptabilité. Les ratios d'endettement, les taux de déficits public semblent les seules choses dont se préoccupe cette Europe, devenue un trou noir politique!
Mais il se pourrait qu'on assiste à d'étonnantes recompositions. On a parlé de l'intensification des discussions russo-grecques, du rapprochement russo-turc autour du projet Turkish stream, mais il faut aussi se rappeler que la Russie est traditionnellement liée à Chypre. Or il est probable qu'aucun de ces deux pays n'ait goûté la manière dont Chypre a été «sauvée» en 2013. L'Europe, on s'en souvient, avait alors décidé de faire payer les déposants de plus de 100 000 €, parmi lesquels nombre de Russes. Cela se fit via la mise en place d'un contrôle des capitaux dans l'île, afin que ces déposants ne puissent rapatrier leurs fonds. Aujourd'hui, les deux pays amorcent une petite revanche: Poutine et Nicos Anastasiades ont signé au mois de mars un accord relatif à la possibilité pour la marine russe d'utiliser les ports de Chypre.
Bref, l'Union monétaire européenne s'effiloche chaque jour davantage. Hébétés, «les Européens» ne comprennent plus ce qui leur arrive. Du coup, eux qui n'attendaient la Russie qu'en Ukraine la laissent tranquillement s'installer en Méditerranée. Économiquement, politiquement, cette Union européenne est un «fiasco sphérique»: quel que soit l'angle sous lequel on la regarde, on constate l'uniformité parfaite du désastre.
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