27/10/2014
Pascal Durand : « Il y a un problème de transparence au Parlement européen »
La nomination du commissaire européen à l'énergie et au climat, l'Espagnol Miguel Arias Cañete, en dépit de ses intérêts personnels dans l'industrie pétrolière révèle un véritable problème de transparence au niveau européen, selon l'eurodéputé Vert Pascal Durant.
Pascal Durant est député européen écologiste. Ancien avocat, il est également membre de la commission des affaires juridiques du Parlement européen.
La transparence évolue-t-elle au niveau européen ?
Non, il y a un vrai problème de transparence au Parlement européen. Nous avons fait le même constat que Jean-Claude Juncker, le président de la Commission sur le sujet de la transparence. L’Europe est critiquée par tout le monde, par les classes dirigeantes comme les classes populaires, parce qu’on lui reproche son manque de transparence. Le scrutin du mois de mai dernier exprime cette critique, les électeurs en ont assez de la succession de scandales. Dont acte : il faut plus de transparence.
Les députés européens ont donc auditionné les candidats aux postes de commissaires dans cette optique. Or, sur le profil d’un des commissaires, il y a eu un problème. Nous avons été chargés, à la Commission JURI, de vérifier la déclaration d’intérêt du commissaire en charge du climat.
Quel est le problème de la déclaration d’intérêt du commissaire au climat et à l’énergie ?
Nous nous sommes aperçus que M. Canete avait effectivement beaucoup d’intérêt dans le pétrole, qu’il avait été suffisamment inspiré pour installer le siège social de sa société et ses filiales aux Pays-Bas et aux Canaries, alors qu’il était encore ministre en Espagne. Enfin il a visiblement cédé ces actions contestées à son beau-frère.
Nous avons mené une bataille, et nous l’avons perdue. La Commission JURI s’est déclaré incompétente sur la question de ce qu’est une déclaration d’intérêt : selon moi, la sienne était incomplète. Il y a eu un vote, adopté avec 11 voix pour, 5 contre et 3 abstention, et plusieurs membres de la Commission se sont absenté à ce moment pour ne pas à voter…Au final, cette commission a donc fait le choix de se dessaisir du sujet.
Que va-t-il se passer désormais ?
La commission JURI a décidé de saisir la commission des Affaires constitutionnelles, pour aller plus loin. Mais aucune date n’a été trouvée à ce jour, comme par hasard, pour que cette nouvelle instance se réunisse et examine la question de la déclaration d’intérêt des commissaires. Il y a eu un blocage du PPE pour repousser cet examen après la prise de fonction de la nouvelle Commission.
Quelle sont les conséquences de ce manque de transparence ?
Ce qui est sûr c’est que le système n’est pas fiable. Maintenant, on va accuser la Commission d’être aux bottes du lobby pétrolier. Ce commissaire va être ridicule, c’est une caricature d’attribuer énergie et climat à ce type de profil. Bref le système ne fonctionne pas !
Comment pourrait- il évoluer ?
Il faut aller voir ce qui se passe en France ! Après l’affaire Cahuzac, les règles ont été sérieusement durcies. La Haute Autorité pour la transparence impose des publications sérieuses. La déclaration d’intérêt des commissaires est faible, on ne demande même pas quel est leur patrimoine, on s’intéresse à peine à celui du conjoint. Il faudrait vraiment modifier les règles.
Est-ce que les déclarations d’intérêt des eurodéputés posent aussi problème ?
Oui, d’autant qu’elles sont moins complètes, il n’y a pas de déclaration de patrimoine du tout. A l’exception de la France, puisque les eurodéputés français doivent répondre aux demandes de la Haute Autorité pour la transparence. Et les déclarations de revenu sont fantaisistes. Par exemple au-delà de revenus de 10.000 euros par mois, les élus ne précisent pas s’ils déclarent 10.000, 20.000, 30.000 euros …ce n’est pas la même chose. On a des eurodéputés qui deviennent avocats après avoir été élus, et qui récoltent des revenus conséquents. Je trouve ça étrange, ils devraient déclarer quels sont leurs clients. C’est long de créer une clientèle, je le sais bien, j’étais avocat, mais j’ai arrêté pour être député européen !
Quelles sont vos préconisations pour remédier à ces problèmes de transparence ?
Il faudrait créer une Haute autorité pour contrôler les patrimoines au niveau européen. Parce que sans cela, les contrôles ne sont pas sérieux. Même au sein d’une corporation comme l’ordre des avocats, il y a des commissions d’enquête ; le bâtonnier n’est seul à être saisi de problèmes et à les évaluer. Mais au Parlement européen, le président détient tous les pouvoirs. Il y a un comité consultatif chargé de lui remettre des propositions, mais c’est le président seul qui décide ou non ce qu’il en fait, et il n’y a jamais de sanctions. Alors qu’il y a de vraies questions de conflit d’intérêt...
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