15/08/2013
Une vague de démolition d’églises menace le patrimoine de la France
Il y a en France quelque 45.000 églises, la plupart non classées. Face au coût de leur entretien, les maires choisissent de les abattre.
C’est, en entrant dans la nef, le silence saisissant d’un patrimoine menacé : l’église de Sainte-Gemmes-d’Andigné (Maine-et-Loire) résiste à une vague de démolitions lancées par des maires – cinq déjà détruites à travers la France depuis le début de l’année. “Toute la nef devrait disparaître“, dit Benoît Patier, 51 ans, président de l’Association de sauvegarde de l’église Sainte-Gemmes-d’Andigné, montrant l’imposante nef de quatre travées promise à la destruction.
Le maire, Jean-Claude Taulnay, qui n’a pas souhaité être interviewé, veut détruire cette nef bâtie il y a 148 ans en tuffeau, pierre de taille tendre de la région, et la remplacer par un bâtiment circulaire en béton coiffé d’un toit en zinc. Il estime toute restauration trop onéreuse pour ce village de 1.500 habitants.
“Restaurer l’église coûterait entre 1,2 et 1,5 million d’euros”, explique M. Patier, citant des devis de cabinets indépendants. “Le projet du maire coûte 2,7 millions d’euros : garder l’église coûterait deux fois moins cher.”
“On ne comprend pas”, dit Christian Boullais, 72 ans, vice-président de l’association.
45 000 églises en France
La maquette, présentée à la mairie, montre une structure moderne accolée à l’ancien clocher. Mais, conscient de la qualité de l’église, l’État a réagi : une instance de classement a été entamée, gelant toute démolition pendant un an. “Le maire nous menace maintenant d’un procès”, dit à l’AFP la chef du patrimoine au ministère de la Culture, Isabelle Maréchal. L’État fait néanmoins valoir qu’il ne peut tout classer. Il y a en France 45 000 églises paroissiales, dont 35 % bâties au XIXe siècle, dans leur immense majorité non classées. “Des maires tirent à tort la conclusion qu’ils peuvent démolir”, explique Isabelle Maréchal. Or, depuis la loi de séparation de l’Église et de l’État, en 1905, l’entretien des bâtiments revient aux communes.
Ces dernières soulignent qu’elles n’en ont parfois plus les moyens et que seulement 4,5 % des Français vont à l’église le dimanche, la pratique religieuse étant en forte baisse en France depuis les années 1970.
De leur côté, les évêques veulent éviter tout affrontement. “Ils ferment les yeux sur le patrimoine pour acheter une forme de paix sociale”, dit à l’AFP Maxime Cumenel, de l’Observatoire du patrimoine religieux.
Le Maine-et-Loire en première ligne
L’évêque d’Angers, Mgr Emmanuel Delmas, est l’un des plus décriés : son diocèse, où Saint-Aubin-du-Pavoil (1864) et Saint-Pierre-aux-Liens de Gesté (1862) viennent d’être détruites, est le plus touché par la vague des démolitions.
Lire notre article : “La triste histoire de l’église de Gesté”
Mais le phénomène concerne toute la France : viennent d’être démolies les églises de Saint-Blaise-du-Breuil (Allier), en Auvergne, Saint-Pie-X dans l’Hérault, Saint-Jacques-d’Abbeville (Somme) en Picardie. Également menacées, les églises de Plounérin (Côtes-d’Armor), en Bretagne, et Lumbres (Pas-de-Calais) ont été sauvées. À Arc-Sur-Tille (Côte d’Or), en Bourgogne, le maire a perdu les élections à cause de son projet de démolition.
“Un village dont l’église a été détruite est défiguré”
C’est l’image d’Épinal des villages français qui est menacée, selon les défenseurs du patrimoine.
“Un village dont l’église a été détruite est défiguré”, estime Jean-Louis Hannebert, de la Société pour la protection des paysages et de l’esthétique de la France.
Une image tellement symbolique de la France profonde que François Mitterrand, au grand dam de certains laïcs, l’avait choisie pour illustrer son slogan victorieux de 1981, “La force tranquille”.
Pour les protéger, “l’outil le plus adapté est l’Aire de valorisation de l’architecture et du patrimoine (AVAP)”, précise Isabelle Maréchal. C’est aux régions et aux communes de mettre en oeuvre cette protection, souligne-t-elle.
De la petite route qui mène à Saint-Aubin-du Pavoil, on voyait apparaître le fier clocher du village. Il a été, en janvier, le premier à tomber. Rasé comme à la Révolution, lorsque cette ville fut punie pour avoir hissé le drapeau blanc de la royauté. “Ça fait un vide considérable”, déplore Michel de Vitton, 69 ans, dont l’épouse avait pris la tête de l’association de sauvegarde. À la place de l’autel, on peut voir un minuscule espace derrière une baie vitrée, sous un toit en zinc : Il tient désormais lieu d’église.
via Fdesouche.com
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