26/05/2013
Lettre à un gendarme mobile de service le 26 mai, par JP Fabre-Bernadac
Cher camarade,
Dans quelques jours, tu seras face à moi et aux familles de la « Manif pour tous ». Tu es militaire, fier de ton état et tu as raison. Tu appartiens à l’arme la plus ancienne de l’armée française. Le 14 juillet, tu défiles toujours en tête des troupes et ton drapeau porte au revers : « Valeur et Discipline ».
Tu as prêté serment, il serait donc malvenu, moi qui suis ton ancien, de te demander de désobéir aux ordres d’un gouvernement qui, du reste, passera aussi vite que les autres. Cependant, cher « moblot » (surnom donné aux gendarmes mobiles), lorsque tu tiendras ton bouclier, bâton au poing, ou ton diffuseur lacry, rappelle-toi simplement que tu as en face de toi des mères, des pères, des enfants, des gens simples comme toi, venus de toutes les régions de France. Des citoyens issus de cette majorité habituellement silencieuse, docile et laborieuse, qui, bannières au vent, crient leur colère de se trouver méprisés par leur Président.
Ce sont ces gens que tu croises chaque jour, que tu fréquentes parfois, dont tu es le fils, le frère ou l’oncle... Ce sont les mêmes avec qui ta femme papote à la boulangerie ou avec qui ton fils joue dans la cour de récréation. N’oublie pas que ta mission première est de leur porter secours et protection, parfois au péril de ta vie. Ils ont déjà, par millions, manifesté sans casser, sans incendier, sans blesser, toujours d’une manière bon enfant. Ils ne traitent pas de cons les pères dont l’enfant a été assassiné, ils ne brandissent aucun autre drapeau que nos trois couleurs, ils s’excusent facilement et bannissent l’invective.
Alors si tu as des coups à porter.... Que ta main soit plus douce qu’elle ne le fut avec les casseurs et ton doigt moins crispé sur la queue de détente de ta bombe lacry qu’il ne le fut avec les bandes.
Quand tu relèveras un manifestant d’un sit-in, vas-y doucement, sans force excessive et glisse-lui à l’oreille : « Désolé, moi aussi je suis père, moi aussi je suis français mais j’ai des ordres ! »
Et si tu es dans l’obligation de l’arrêter, ne le pousse pas brutalement en le faisant monter dans le car mais soutiens-le après une discrète tape amicale.
Ta fermeté ne sera plus alors empreinte de dureté mais de magnanimité et tu pourras clamer avec fierté et sans retenue... Moi aussi, j’étais à la grande manif du 26 mai !
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