Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

14/11/2010

Le lobby juif américain s'attaque à Jean-Luc Godard

La police de la pensée juive épingle cette fois-ci le cinéaste suisse Jean-Luc Godard, et confond intentionnellement, comme elle en a l'habitude, le fait d'être pro-palestinien avec l'"anti-sémitisme"...

 

Polémique. Alors que doit lui être remis un prix d’honneur dimanche, le cinéaste suisse est accusé par la presse américaine d’antisémitisme.

Godard en 2002, lors d'un conférence à Tokyo. - REUTERS

Tout est parti d’un article publié le 6 octobre dans l’hebdomadaire The Jewish Journal de Los Angeles. Le magazine avait barré sa une de la question : «Jean-Luc Godard est-il antisémite ?», assortie d’une photo du cinéaste. Tom Tugend, le journaliste, évoquait alors la décision prise par l’Académie des oscars de récompenser le cinéaste suisse, le 13 novembre, par un oscar d’honneur pour revenir sur ce qu’il appelait «une longue carrière marquée par des querelles artistiques constantes et par des accusations d’antisémitisme et d’antisionisme».

Prudent. Depuis, la polémique n’a fait qu’enfler dans la presse américaine. Deux jours après, un article publié par The Jewish Daily Forward, d’un reporter ayant collaboré à l’article initial, relançait le débat, et était repris sur le site du quotidien israélien Haaretz. Le 1er novembre, le New York Times faisait écho à toute l’affaire, avec ce titre prudent : «Un oscar d’honneur relance une controverse.» Face à l’effervescence, l’Académie des oscars a dû prendre position. Par communiqué, elle s’est dite «consciente que Jean-Luc Godard avait fait des déclarations dans le passé interprétées par certains comme antisémites». «Nous sommes aussi conscients des arguments existants pour rejeter ces accusations, ajoutait le texte. L’antisémitisme est certes déplorable, mais l’Académie a déterminé queles accusations contre Monsieur Godard n’étaient pas convaincantes.»

L’ article de Tom Tugend paru dans le Jewish Journal n’apporte pas grand-chose, rappelant notamment les déclarations propalestiniennes connues de Godard. Il parle de l’histoire de la famille du réalisateur et remarque que ce dernier estimait son grand père «antijuif», en 1978, lors d’une lecture à Montréal. Il revient sur le documentaire de 1976 Ici et Ailleurs où Godard alterne une image de Golda Meir et une autre d’Hitler, suggérant que le cinéaste compare les deux personnages.

Obsessionnel. Plus surprenant peut-être, Tom Tugend dit baser son enquête sur trois biographies de Jean-Luc Godard, notamment Godard publié en France par le journaliste historien Antoine de Baecque (1), précisant : «Cette dernière biographie a été publiée en mars en français et n’est pas facilement disponible. Le matériel utilisé dans cet article a été tiré de critiques et d’analyses du livre.» Or, dans un long article pour Rue89, De Baecque réfute les arguments présentés par le Jewish Journal pour expliquer qu’à son avis Godard n’est pas antisémite, mais que ses positions se caractérisent par «un antisionisme virulent, une solidarité profonde, parfois aveugle, avec les Palestiniens, et un rapport permanent interrogatif, critique, parfois obsessionnel, mais jamais haineux ni antisémite, au fait juif"».«Je me permets juste de poser la question de l’antisémitisme présumé de Godard, je n’y apporte pas de réponse définitive, dit aujourd’hui Tom Tugend. Je précise bien que je n’ai pas lu le livre de DeBaecque et je pense qu’au final, mon article est assez équilibré.»

La controverse est en tout cas loin d’être close aux Etats-Unis. La B’nai B’rith International, l’organisation juive basée à Washington, accuse l’Académie des oscars «d’avoir certains standards pour l’art, mais pas pour la décence et la morale».

Interrogé par le New York Times, le producteur Mike Medavoy, également membre de l’Académie, livre ce commentaire : «Si Hollywood veut honorer le travail de Godard, très bien, je n’ai pas de problème. Mais je suis moins sous le charme de son "esprit étroit" quand il parle des Juifs et de l’industrie dufilm.» Devant ce débat de plus en plus animé, certains journaux, tels le Los Angeles Times, ont choisi de dissocier «l’artiste Godard» et «l’homme Godard». Le 2 novembre, Patrick Goldstein, un les critiques le plus connus du quotidien californien, rappelait ainsi que «les artistes ne sont pas forcément admirables dans leur vie personnelle». Avant d’affirmer qu’il fallait absolument récompenser le réalisateur. Et de souligner aussi que le Jewish Journal «s’est fait une spécialité de relayer les peurs antisémites à Hollywood».

Déçu. «L’un des autres aspects de cette histoire, c’est que Godard et Hollywood ont toujours entretenu une relation houleuse, reprend cette source (qui travaille avec les studios de cinéma mais qui préfère garder l’anonymat devant «le caractère très sensible du sujet», ndlr. Certains membres de l’Académie voulaient honorer Godard depuis longtemps. D’autres n’ont jamais apprécié ses coups de gueule et ses déclarations à l’emporte-pièce sur la question juive. Et du coup, cela donne ce brouhaha dans un microcosme hollywoodien qui adore les scandales.»

Godard, en tout cas, n’assistera pas à la cérémonie. Son épouse a fait savoir qu’il était un peu déçu qu’elle n’ait pas lieu lors de la grande fête officielle des oscars en mars, et qu’il était «trop vieux» pour voyager jusqu’à Los Angeles.

(1) Antoine de Baecque, qui a par ailleurs longtemps dirigé le service Culture de «Libération», n’était pas disponible hier pour répondre à nos questions.

Source: Libération et Fdesouche.com

Les commentaires sont fermés.