29/08/2009
L'immigration en Europe, les chiffres, les arguments
L’Europe est pour la première fois de son histoire un continent de migrants. 40 millions sont nés dans un autre pays. Plus de 10 % du total.
Comme le titre de son livre l'indique, Caldwell pense qu'une révolution est en train de balayer l'Europe. Dans un des passages les plus mémorables du livre, il se demande « si on peut avoir la même Europe avec un peuple différent », pour Caldwell « la réponse est non ». Incidemment, au Québec, l'immigration et l'euphémisme de diversité croissante ont servi de prétexte pour modifier la charte des droits de la personne et imposer le cours d'éthique et de culture religieuse.
Caldwell rappelle qu'en 1950, il n'y avait pratiquement pas de musulmans en Europe à l'exception des Balkans. En l'an 2000, il y en avait entre 15 et 17 millions : 5 millions en France, 4 millions en Allemagne et 2 millions en Grande-Bretagne. Comme les immigrants aux États-Unis, ils sont jeunes, citadins, prolifiques et surreprésentés dans les prisons. Quarante pour cent des enfants de Paris ont des parents immigrants, à Londres un huitième des habitants sont musulmans. Cinquante pour cent des prisonniers français sont musulmans. À Turin, les immigrants représentent 10 % de la population mais seulement 0,2 % des décès et 25 % des naissances. Les musulmans qui arrivent en Europe font en moyenne plus d'enfants que ceux qui restent au pays, le même phénomène s'observe chez les Mexicains ayant émigrés aux États-Unis.
L’effet de taille compte énormément, écrit Christopher Caldwell, éditorialiste au Financial Times. On dénombre 15 à 17 millions de musulmans en Europe. C’est unique dans l’histoire. Et cette immigration constitue le plus grand problème que rencontre l’Europe. Il est frappant de constater le manque de confiance de la démocratie, sa plus importante valeur morale, à le traiter, écrit-il.
Si l’Europe accueille davantage d’immigrants que ses citoyens ne le souhaitent, c’est une bonne indication que la démocratie fonctionne mal. Dans ce contexte de « confrontation avec l’islam », il dépeint des Européens de souche qui « se sentent exclus chez eux, victimes d’une OPA culturelle » et propose ses propres pistes.
L’islam a brisé bien des habitudes, structures et institutions de l’État. L’immigration, à travers sa main-d’œuvre bon marché, peut être bénéfique à l’économie privée. Pour l’État, c’est différent. Les prestations aux immigrés et à leurs familles dépassent leurs contributions. En Allemagne, les indigènes de 20 à 65 ans paient davantage de contributions qu’ils ne font appel aux prestations sociales. Les Turcs d’Allemagne ne le font qu’entre 28 et 57 ans. La tendance n’est pas encourageante. Entre 1971 et 2000, le nombre de résidents étrangers en Allemagne a explosé de 3 à 7,5 millions, mais le nombre d’étrangers actifs s’est maintenu à 2 millions !
« La Grande-Bretagne reçoit un demi-million de nouveaux immigrés extra-communautaires tous les ans » et déjà environ 80 « tribunaux islamiques » autorisés à résoudre des controverses par la charia, y sont à l'œuvre.
En Norvège, on a assisté à un cas d'intégration à rebours : toutes les élèves d'une école ont mis le voile, convaincues d'être plus mignonnes ainsi.
On soutient que les immigrés « sont une ressource » parce qu'ils font les travaux que les européens ne veulent plus faire. Au contraire, « avec leurs bas salaires, ils maintiennent souvent temporairement en vie des postes de travail de toute façon destinés à disparaître (…) à cause du progrès technologique et de la disponibilité de produits à coûts mineurs provenant de Chine ».
[Notons que ces bas salaires sont également le fait des immigrés au Canada et qu'on ne peut partager l'optimisme de MM. Bouchard et Taylor qui pensent que la sélection des immigrants empêchera au Québec de connaître les affres de l'immigration européenne. D'une part, près de la moitié des immigrés au Canada ne sont pas sélectionnés selon des critères économiques, il s'agit de réfugiés et de personnes qui immigrent au nom du regroupement familial. D'autre part, rappelons, en effet, que près du tiers des Maghrébins au Québec, le gros de la nouvelle immigration en hausse qu'encourage le gouvernement du Québec, est au chômage ! En outre si, en 1980, les nouveaux immigrants de sexe masculin qui avaient un revenu d'emploi gagnaient 85 cents pour chaque dollar de revenu d'emploi des hommes nés au Canada. En 2005, ils n'en gagnaient plus que 63. Chez les nouvelles immigrantes, les chiffres correspondants étaient de 85 cents et de 56 cents respectivement. Enfin, les choses ne s'améliorent pas pour tous les immigrants de deuxième génération. En effet, selon une étude récente de Statistiques Canada, toutes choses étant égales par ailleurs, certains hommes de minorités visibles dont les deux parents sont immigrants semblaient avoir un désavantage significatif au chapitre des gains comparativement à leurs pairs dont les parents sont nés au Canada.]
De plus en plus, lorsque les immigrés se naturalisent, ils ne veulent plus faire certains travaux.
On dit aussi que ce sont les immigrés qui vont « payer nos retraites ». Mais « en général, ils font des travaux peu rémunérés, leurs contributions sont donc relativement basses ». Ajoutons que « eux aussi vieillissent et deviennent retraités. En outre, très vite, ils ont des problèmes de santé que les assurances sociales doivent prendre en charge ». Sans compter que « en Allemagne et en France 70% des immigrés extra-communautaires ne travaillent pas - soit parce qu'ils sont trop jeunes, soit parce qu'ils sont au chômage donc ils ne payent pas de cotisations, alors qu'ils constituent un coût pour le système de protection sociale ».
[Voir aussi pour le Canada Immigration et population vieillissante]
En somme, rien ne permet de conclure « qu'il soit moins coûteux pour l'Europe d'accueillir des millions d'immigrés extra-communautaires plutôt que de destiner les mêmes ressources à les aider dans leurs pays d'origine ».
Cela vaut aussi pour les diplômés originaires du Tiers-monde : « en faisant ainsi, on soustrait aux pays d'origine justement ces élites qui leur seraient indispensables pour sortir du sous-développement ».
En outre, l'Europe [et le Québec] « est tellement plongée dans le relativisme qu'elle n'a vraiment pas les idées claires sur la culture qu'elle veut défendre et proposer aux immigrés. Il semble que les réactions se produisent dans un seul domaine, qui comprend le féminisme et les droits des homosexuels ».
Ainsi, nous le rappelle Caldwell, les Pays-Bas ont décidé « de proposer aux nouveaux immigrés les « valeurs hollandaises » résumée dans une vidéo qu'ils doivent obligatoirement voir. On y voit, entre autre, deux homosexuels qui échangent des effusions en public et une baigneuse "topless". Il n'est pas certain que la majorité des Néerlandais se reconnaissent dans ces valeurs. Pour contre, il est très certain que la vidéo confirmera les immigrés musulmans dans leur sentiment de supériorité par rapport à l'Occident décadent. Dans d'autres Pays les cours sur la citoyenneté proposés aux immigrés exaltent le droit à l'avortement ».
L’immigration et l’État social se marient mal. « Une fois que les immigrés comprennent le système d’État social, ils peuvent changer les objectifs des assurances sociales. Au lieu de dépenser les prestations sociales, par exemple en nourriture, l’argent peut financer l’islam. Les deux tiers des imans en France sont à la sécurité sociale », explique Caldwell.
Certes la gestion cohérente des flux de population n’est pas aisée avec une économie globale complexe et les conséquences culturelles qui en résultent. Il ne s’agit pas seulement d’importer des facteurs de production, mais aussi le changement social. Car avec l’immigration de masse, la diversité, la tolérance, le sécularisme sont mis à rude épreuve.
Ces 20 dernières années mettent en lumière l’absence d’assimilation. Caldwell observe même une détérioration avec les nouvelles générations. Des zones de non-droit émergent dans les banlieues. Nicolas Sarkozy est le seul chef d’État à condamner les responsables d’émeutes dans les banlieues et non pas le manque de générosité à leur égard. Ce n’est pas à des délinquants de déterminer l’agenda politique. Caldwell approuve avec force. Mais est-il trop tard ? Les lois sur la tolérance ont commencé à profiter aux intolérants, dit-il.
Caldwell s’en tient aux faits : 19 % des Européens pensent que l’immigration est bonne pour leur pays. Les autres ne sont pas devenus moins généreux envers les immigrés. « Simplement, ils paient la facture ». Beaucoup d’Européens sont à la recherche d’une vie meilleure, comme les immigrés. Mais, contrairement à ces derniers, « ils n’ont pas voulu le changement », explique l’auteur. Ils sont pourtant expulsés de la culture de leurs parents. Certaines de leurs traditions sont parfois rejetées sous prétexte que les immigrés musulmans pourraient se sentir exclus. La réciprocité des pays musulmans à l’égard de religion chrétienne n’est pourtant de loin pas garantie.
Pour l’auteur, l’histoire de l’Europe est, depuis la Seconde Guerre mondiale, une histoire d’émancipation à l’égard des États-Unis. La création de l’Union européenne s’inscrit dans ce contexte. La solution à l’immigration de masse risque toutefois d’obliger l’Europe à suivre l’exemple américain. Les États-Unis sont, en théorie, libres, ouverts et occidentaux. En pratique, « l’Amérique exerce des pressions dignes de Procuste sur les immigrés pour qu’ils se conforment à leur système. Ce sont ces pressions et non son ouverture qui font des Etats-Unis un peuple ». L’immigré peut maintenir sa culture ancestrale, mais « si elle l’empêche de parler l’anglais ou d’être à l’heure au travail, il aura faim. Il rentrera dans son pays et personne ne le regrettera ». Le modèle américain ne peut toutefois être transposé intégralement. Il résulte de conditions historiques particulières et d’une réforme du système pénal, sous Nixon, destiné à lutter plus férocement contre la drogue. De plus, l’Amérique compte seulement 2 millions de musulmans.
« Le problème de base avec l’islam et avec l’immigration tient au fait que les communautés les plus fortes en Europe ne sont pas des communautés européennes », selon Caldwell. Ce problème existe malgré le multiculturalisme des Pays-Bas et la laïcité de la France. L’islam est une religion magnifique, mais ce n’est pas la religion de l’Europe et ce n’est en aucune manière la culture européenne. Il est certain que l’Europe sortira changée de la confrontation.
Quand une culture malléable, incertaine et relative rencontre une culture confiante, bien ancrée, renforcée par des doctrines communes, c’est la première qui s’adapte à la seconde.
Reflections on the Revolution In Europe: Immigration, Islam, and the West
par Christopher Caldwell
432 pages
Doubleday (juillet 2009)
ISBN-10: 0385518269
ISBN-13: 978-0385518260
Source: http://pouruneecolelibre.blogspot.com/2009/08/limmigration-en-europe-les-chiffres-les.html
23:51 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : immigration, europe | Facebook | |
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