20/04/2009
Le pouvoir du lobby israélien de Washington
Photo:www.megachip.info/fotoz/rahm&barack.jpg
Excellent aricle sur la revue Horizons et débats (http://www.horizons-et-debats.ch/index.php?id=27 ) :
par Arnold Hottinger
Le livre «The Israel Lobby and American Foreign Policy» dû à deux professeurs de sciences politiques de Harvard et de l’Université de Chicago, Stephan Walt et John J. Mearsheimer, a paru en 2007 (Farrar, Straus and Giroux, New York, ISBN 978-3-593-38377-4). C’est un ouvrage bien documenté qui, pour la première fois, expose et analyse de manière approfondie les activités du lobby israélien AIPAC (American Israeli Public Affairs Committee) et d’autres groupes moins importants qui poursuivent des objectifs comparables. Cet ouvrage, dont une édition allemande a déjà paru en 2007 (Campus Verlag), est capital car il décrit pour la première fois et de manière précise le mythe du lobby et de son pouvoir légendaire, connu de tous ceux qui s’intéressent à la politique américaine, et présente en détail les méthodes du groupe de pression et son impact sur la politique américaine et par conséquent sur tout ce qui se passe au Proche-Orient.
L’œuvre a déclenché une vive polémique. Celle-ci avait déjà commencé avant sa parution lorsque les recherches des deux professeurs avaient été exposées sur Internet puis dans un long article de la London Review of Books publié en mars 2006.
Il a fait l’objet de nombreuses recensions, très souvent négatives, dans la plupart des cas rédigées sur un ton offensé et offensant. Ce qui frappe, c’est que les critiques procèdent souvent de manière identique. Ils ne s’occupent pas du contenu de l’analyse mais commencent à rappeler tout un éventail de mythes et d’accusations antisémites tels qu’on les trouve dans le passé européen de la centaine d’années précédant la Seconde Guerre mondiale et qui sont bien documentés en tant que préjugés malveillants aujourd’hui. Certains prétendent que le livre n’est pas «scientifique» et qu’il fait partie d’une longue série d’attaques injustifiées contre le «judaïsme». La plupart de ces critiques utilisent des termes et des critères imprécis et évitent ainsi de discuter les thèses bien étayées des deux auteurs, voire de les mentionner. Les reproches concernant la «méthode non scientifique» visent le même objectif. Ainsi une journaliste de la «Neue Zürcher Zeitung» a écrit que le livre comportait certes des centaines de notes mais qu’elles renvoyaient à des sources non scientifiques comme des journaux et des revues. Or la plupart d’entre elles servent simplement à documenter les procédés journalistiques du lobby qui n’hésite pas à recourir aux contrevérités et à la calomnie.
A toutes ces tentatives identiques visant à descendre le livre en flamme, on peut opposer ceci: Il s’agit d’un ouvrage très important parce qu’il expose au grand jour ce que le lobby cherche à dissimuler: la manière dont il exerce des pressions sur l’opinion publique ainsi que sur les parlementaires et les intellectuels américains pour imposer une version «politiquement correcte» de tout ce qui concerne la politique d’Israël et du Proche-Orient, et cela en recourant à tous les moyens possibles: incitations et sanctions financières, calomnies brutales et disqualifications sans appel. Ce faisant, il cherche non seulement à ce qu’on soutienne Israël inconditionnellement mais à ce qu’on l’approuve et l’aide activement dans toutes les mesures prises par les milieux de droite actuellement au pouvoir.
La thèse principale des auteurs est que les activités du lobby nuisent à la politique étrangère américaine et qu’elles font du tort plutôt qu’elles ne profitent à Israël. Elles nuisent à Israël parce que l’AIPAC et les lobbys frères cherchent à soutenir et à promouvoir, à l’aide de la grande puissance américaine, la politique de domination et d’accaparement des territoires occupés palestiniens menée actuellement par la droite israélienne au pouvoir. La question de savoir si c’est dans l’intérêt à long terme d’Israël, puisque cela exclut toute possibilité de paix entre Israël et les Palestiniens, est sujette à controverse, même parmi les Israéliens et les Juifs.
Pressions couronnées de succès sur un expert du Proche-Orient
Le pouvoir ainsi que les méthodes de l’AIPAC sont ces jours-ci sous les feux des projecteurs de la politique américaine. Le nouveau directeur du NIC (National Intelligence Council, organe central de la communauté américaine du renseignement), l’amiral Dennis Blair, avait l’intention de rappeler le diplomate et intellectuel Charles Freeman, pourtant déjà à la retraite mais apprécié en tant que spécialiste du Proche-Orient, et de lui confier la présidence du Conseil. L’intention de cette désignation a été connue avant que le diplomate ne soit engagé. Elle n’aurait pas été subordonnée à une audition par le Congrès comme c’est le cas pour les hautes charges du gouvernement. Mais le lobby a lancé une campagne qui contenait les pires calomnies et accusations à l’adresse du candidat. Au début, ces reproches ont été réfutés par les responsables. Mais le candidat a finalement décidé de refuser ce poste parce qu’il devait se dire qu’un travail fructueux au sein du Conseil serait impossible à cause de la polémique continue et des calomnies systématiques contre sa personne considérée comme «pro-arabe», donc corruptible, sinon même corrompue par les Saoudiens, etc. Cela gênerait le Conseil dans son analyse objective des faits.
Freeman a écrit une longue lettre à ses amis qui cherchaient à le soutenir dans la tempête. On la trouve sur le blog de Juan Cole: Informed Comment du 11/3/09. On y lit des phrases capitales comme:
«La tactique du lobby d’Israël atteint des sommets de malhonnêteté et d’impudence: diffamation, fausses citations, déformations intentionnelles de faits documentés, mensonges et mépris volontaire de toute vérité. Le but du lobby est de contrôler le processus politique en s’opposant à toutes les personnes qui mettent en doute la sagesse de leurs opinions. Il cherche à remplacer l’analyse par une orthodoxie politique (‹politiquement correcte›) et à éliminer toutes les options en vue des décisions des Américains ou de notre gouvernement qui diffèrent de celles qu’ils préfèrent.»
Freeman déplore que les événements évoqués puissent amener certains observateurs «à douter que le gouvernement Obama soit en mesure de réfléchir, et à plus forte raison de décider quelle politique servira au mieux les intérêts des Etats-Unis – en lieu et place d’un lobby qui cherche à promouvoir les intérêts d’un gouvernement étranger.»
Source: http://www.lepost.fr/article/2009/04/07/1486834_le-pouvoi...
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